D'aussi loin que je puisse me souvenir, j'ai toujours été aux côtés de mon frère, Dagda et de notre seigneur, Lugus. L'on avait fait de moi un dieu guerrier, en grande partie à cause de ma force physique. En effet, au sein même de notre panthéon de guerriers, ma force semblait exceptionnelle, il semblait aussi que, dès mes premières années, j'eus une certaine facilité pour les tactiques militaires. Ainsi, notre bon roi estima qu'il serait bénéfique aux Hommes et, tout particulièrement pour les guerriers, de m'avoir comme guide ou dieu, vers qui se tourner lorsque l'espoir au combat ne semblait plus permis. Lorsqu’ils devaient affronter un ennemi bien trop grand pour eux. L'idée était plaisante, en effet, que de voir tant de prières tournées vers moi, me demandant aide, protection ou, tout simplement, des conseils pour mener à bien des combats. Malheureusement, ces hommes, les celtes, sur lesquels nous veillions étaient du genre belliqueux et, sans ennemis extérieurs à combattre, finissaient rapidement par guerroyer entre eux. Qu'on se le dise, je n'ai jamais pris parti pour l'un des clans, du moins, pas de mon propre chef. Voyez-vous, notre seigneur avait quelques … Comment dites-vous, à votre époque, déjà ? Des chouchous ? Quel mot étrange et, répugnant que cela. Mais, soit. Ayant ses préférences pour quelques hommes qui étaient voués à faire de grandes choses, je dû veiller sur eux, descendant, de temps en temps sur le royaume de la Terre, pour être à leur côté et m'assurer que rien ne leur arrive, tantôt accompagné par mon cher frère. Nous étions … Complémentaires, à ce que disaient nos confrères. Guerriers tous les deux, solides comme des rocs, nos connaissances étaient nombreuses et couvraient de nombreux sujets, ainsi, ensemble nous formions un duo de conseillers utiles, capables de distiller les bonnes informations, tout comme nous pouvions implanter des germes d'idées dans l'esprit de ces hommes.
Il me fallut du temps, aussi, pour accepter ma seconde fonction, celle de l'éloquence. Je n'étais ni bavard, ni enclin à la conversation et, encore moins poète. Malheureusement, les aléas de la nature me dotèrent de dons, qui allaient tous en ce sens. J'avais ce pouvoir, lié à la parole, qui me valut bien des surnoms. Capable de paralyser mes ennemis d'un seul mot, tout comme j'étais capable d'ordonner et de soumettre un esprit à ma volonté par mes mots. N'était-ce pas là, quelque chose d'ironique ? Moi, dont la fonction première était liée à la guerre, de pouvoir éviter les conflits par ce simples mots ? Les siècles que j'ai eu la chance de vivre m'ont tout de même menés à une conclusion, plausible et envisageable. Si j'étais l'avatar de la guerre et des conflits, il semblait important de prouver aux hommes que les armes ne réglaient pas toujours tout et que, les mots pouvaient éviter les guerres inutiles. Cela reste toujours une théorie, Lugus n'ayant jamais réellement voulu m'en dire plus sur tout cela mais, j'en suis venu à penser que la chose était juste.
La majeure partie du temps, moi et mon frère évitions de nous battre sur le royaume de la Terre. Dagda avait beau ne pas être un dieu de la guerre, il n'en restait pas moins un redoutable combattant, en un moment d’inattention, il aurait pu être inscrit dans l'Histoire de ce peuple. Quant à moi, il me semble vous avoir déjà évoqué ma grande force, même au sein des dieux. Essayez, essayez d'imaginer la différence que cela puisse être avec un humain. Se contrôler à un tel point n'a jamais été une chose aisée, il m'a fallu bien des décennies et de conflits sur Terre pour me contenir. Fort heureusement, mon don du verbe, ainsi que son pouvoir, me permit de les leurrer, plus d'une fois, sur les raisons d'un corps déchiqueté d'un seul coup de massue, ou encore d'un arbre arraché à mains nues. Autant vous le dire, je me suis senti quelques peu … Coupable et me sentant terriblement enfantin, que de leur offrir de si gros mensonges, je m'excusa finalement en leur offrant un présent. Les Ogham. Avant que vous ne puissiez faire quelque remarque que ce soit, je tiens à préciser que, ce nom n'est pas de moi, mais bien des druides. J'avais une préférence pour le mot « runes », mais cette requête passa aux oubliettes. Du moins, pas tout à fait, il semblerait que notre cher Odin reprit l'idée. En effet, les Ogham furent le premier système d'écriture des irlandais. Je ne leur offrit pas toutes celles que j'avais crées. De nombreuses autres avaient des propriétés magiques, que, j'ai toujours préféré garder pour moi, pensant qu'une telle chose pouvait devenir source de chaos dans ce monde. Là est mon dernier don, en tant que dieu, l'écriture. Grâce à ces runes, il m'a toujours été possible de modifier des objets, de les transformer, littéralement, ou encore de changer leur nature. Une simple planche pouvait devenir la meilleure des épées et, une charrette brisée pouvait retrouver sa première jeunesse en une simple gravure. Imaginez les possibilités, infinies, que l'Homme et son esprit tordu aurait pu trouver à une telle pratique ?
La seule fois où je suis descendu, de mon propre chef et, sans changer mon apparence, fut lors de l'attaque des romains. De mon avis, ce peuple a créé la plus impressionnante force militaire de l'Histoire des hommes. Disciplinés, avec un mental d'acier, prêt à envahir le monde et à massacrer tous ceux qui n'étaient pas d'accord … Une chose était certaine à l'époque, les celtes, désunis, sans réelles connaissances des tactiques militaires si ce n'était de charger tout droit et, parfois contourner pour créer un pseudo élément de surprise … Nos hommes n'avaient pas la moindre chance. Alors, je suis descendu et je suis resté un long, très long moment auprès d'eux, voguant de clans en clans, leur apportant expertise tactique, entraînement ou encore conseils pour unir leur force avec d'autres seigneurs pour pousser les romains en dehors de leur terres. Force était de constater que mon intervention fut utile, à en voir ce mur, construit au milieu des terres, celui d'Hadrien, puis d'Antonin. Limite de ce qu'ils pouvaient conquérir et place fortifié. Place qui ne manqua tout de même pas de se faire attaquer, encore et encore.
Pour parler de moi et des miens, mon frère eut une épouse, Morrigan belle à se damner, sans doutes la raison principale qui le poussa dans ses bras. Une femme intéressante, avec qui e passa de nombreux moments à discuter, maline et avec un point de vue qui me plaisait mais qui, malheureusement, finit par faire souffrir mon cher frère, avant que tout deux ne se séparent. De mon côté, je ne me suis jamais marié, n'ayant jamais trouvé ce que les hommes appelaient la parle rare, me contentant seulement d'avoir un fils, Cairpre qui écopa, fort heureusement pour moi, du cercle de la poésie, me délaissant de ce fardeau. Oh, j'ai toujours eu beau être lié à l'écriture et à la parole mais … La poésie, voilà quelque chose dont je n'ai jamais compris l'intérêt. A quoi bon faire rimer des mots ? En quoi cela rendait le message plus agréable ? Non, cela m'a toujours dépassé, mon fils, quant à lui … La chose semblait lui plaire, alors, pourquoi pas ?
Vint alors le sujet qui fâche, la grande guerre et notre descente. Qu'on se le dise, si j'avais pu être neutre, je le serais resté. Je n'ai pas vraiment de point de vue tranché sur la chose. Lugus m'a toujours accordé sa confiance, je l'en ai toujours remercié mais … Je n'ai jamais eu d'accointances particulière avec notre seigneur, je ne l'ai d’ailleurs jamais réellement compris. Ceci dit, la chose a toujours bien fonctionné ainsi, alors pourquoi changer ? Ceci dit, je peux comprendre le raisonnement de nos confrères, voulant le destituer. Je dis bien comprendre, pas plus. Le manque de réponse et même de présence, depuis un long moment, peut se faire poser des questions et, peut-être se disent-ils qu'il est temps d'un peu de changement ? Lugus n'a jamais été un tendre et, de nombreux conflits ont éclatés avec nos amis, alors oui, je peux comprendre. Cependant, depuis la nuit des temps, notre roi nous a mis, mon frère et moi, au sommet de la hiérarchie des Tuatha dé Dannan, il est impensable pour moi de rester les bras croisés, ou encore d'aller à son encontre. Ceci dit, je ne suis pas de ceux qui veut rentrer en guerre ouverte contre les nôtres, je ne prendrai les armes qu'en dernier recours. Si mon éloquence peut les dissuader, je le ferais, sinon, je n'irai certainement pas les chasser un par un, pour les abattre. Sachez, cependant, que je serais prêt à défendre nos traditions, armes en mains, si cela est nécessaire. En attendant, vous me trouverez dans mon pub. C'est étrange mais, ce petit établissement me plaît, c'est … Voyez-vous, les auberges ont toujours étés l'endroit que je préférais sur Terre, j'ai voulu recréer cette ambiance et, pouvoir écouter toutes sortes d'histoires. J'aimerais pouvoir créer … Un endroit neutre, où tous pourraient venir s'asseoir, boire et manger, sans que leur camps n'ait la moindre importance sinon, je devrais vous montrer la sortie. D'ailleurs, peu de temps après l'arrivée des Hommes, j'ai trouvé un petit chien, probablement abandonné, que j'ai fini par recueillir et qui, semble-t-il, m'a adopté à son tour. Je l'ai nommé Culann. Sur le moment, l'idée me semblait ironique et sympathique et, c'est resté.