Tout a commencé à partir d’un herbier. Tout a commencé avec ce simple livre.
Il y avait des étoiles, dans le regard de cet enfant, il y avait une joie absurde, celle qui ne trouve point de source. Il ne savait même pas ce que c’était, un herbier, c’est sa grand-mère qui le lui a expliqué en glissant les pages entre ses mains rondes. Pour le garçon, c’était comme lui confier un trésor, un trésor dont il serait fier.
Il en aura passé du temps, Misho, à coller son nez à toutes les plantes qui lui attiraient l’œil, un bouquin de reconnaissance des fleurs dans une main, des buvards dans l’autre. Ses premiers croquis gribouillaient l’anatomie complexe des orchidées, des iris et bien d’autres, annotées de noms, dates et lieu de récolte. Il va sans dire que les nombreux parcs de Sofia, sa ville natale, furent prises d’assaut par sa fraiche lubie et, quand Misho ne pouvait récolter, il se contentait de dessiner l’objet de son désir du mieux qu’il pouvait.
Sa sœur le trouvait mignon, avec sa mine curieuse et ce sérieux avec lequel l’enfant répertoriait ses découvertes. Son père, en revanche, considérait qu’il s’agissait-là d’une passion passagère, comme en ont bien souvent les jeunes garçons. Ils veulent faire un sport, puis un autre, pour finalement se perdre dans quelque activité artistique. Mais, Misho n’était pas de ce genre-là. Quand l’intérêt le prenait, il se plongeait dans la source de celui-ci comme un appel à la noyade et le tout, avec une application ridiculement sincère pour quelqu’un de son âge. Jamais il n’a été garçon agité ou n’a montré le besoin de faire preuve de force en défiant l’autorité. On dira qu’il passait beaucoup de temps auprès de sa grand-mère puis, lorsque cette dernière ne fut plus de ce monde, sa sœur. Tout du moins, jusqu’à ce que celle-ci parte à l’université. Malgré leur différence d’âge relativement notable, ils n’ont pas connu le genre de désagrément qu’une fratrie peut connaitre en son sein. Les disputes n’avaient pas leur place chez eux et tous deux s’affectionnaient sincèrement.
Néanmoins – l’âge, toujours, comme témoin – Misho avait d’autres fréquentations, des jeunes camarades de classe aux enfants des amis, collègues, de son diplomate de père. Et, si le blond se trouvait être relativement apprécié, il ne montrait pas non plus une réelle intention que d’intégrer un groupe d’amis. Ah, c’est qu’il était gentil, un bon compagnon de jeu – quoiqu’un peu trop sage au gout de certains – et quelqu’un qui acceptait de rendre service mais, il était toujours, d’une façon ou d’une autre, ailleurs quelque part. Ses passions ne faisaient pas l’unanimité et quand il venait à les partager, Misho se heurtait régulièrement à un mur d’incompréhension ou de gentille moquerie. Parmi les enfants riches aux ambitions flamboyantes et gâtés par la vie, le jeune Varnaski inspirait au calme et à la contemplation pour seul projet notable, aussi simple que cela.
Ce n’était bien évidemment pas de l’avis du paternel, qui désirait le meilleur pour ses enfants. Ainsi, si Misho a poursuivi le solfège – plus comme souhait d’une mère défunte que par réelle passion – il se vit forcé d’arrêter au profit de ses études. C’est qu’on ne fait pas du droit et des sciences politiques en jouant du piano (même si certain s’en sortent très bien au pipeau à son humble avis) et le garçon s’appliqua à contenter la figure d’autorité en place au sein de leur famille. Il ne prenait pas ses classes avec légèreté mais, trouva le moyen de se libérer un peu de temps pour de nouvelles activités qui avaient capturé son cœur. Après leur lecture, Misho s’était vu intéressé par la possibilité d’assister à une pièce de théâtre et le moins que l’on puisse affirmer, c’est que ce fut un véritable coup de foudre. Shakespeare et Beckett, pour commencer, avant que son amour ne se déclare pour les représentations des pièces antiques de Grèce. Pendant ce temps, son trait de crayon s’était affirmé auprès des fleurs qu’il chérissait et était passé à l’aquarelle, comme toujours plus de moyen que de transposer sur papier la beauté qu’il n’arrivait à partager avec des mots.
Avec tout ceci, Misho se sentait de moins en moins à sa place au milieu des futurs juristes et politiciens tirés à quatre épingles quand ils n’organisaient pas de somptueuses soirées où l’argent et l’alcool s’écoulaient de manière indécente. Les costumes trois-pièce de marque sont beaux et les filles, charmantes, mais non, ce n’était pas ce que le jeune homme voulait. C’est un prétextant vouloir étendre ses capacités qu’il fit accepter à son père qu’il étudie à l’étranger, toujours les sciences politiques dans un premier temps. Il y a une année qu’il passa en Italie et qui fut révélatrice de ses réelles envies et ce, malgré un dépaysement certain et une peine à l’idée de ne pouvoir être proche de ceux qui lui sont chers. En particulier, sa sœur qui s’était retrouvée dans une situation déplaisante. Une histoire autour d’un amoureux transi qui ne voulait pas la laisser tranquille, une sale histoire, au final. Mais, jamais Misho ne s’était senti plus libéré qu’en cette année, jusqu’à ce qu’il entende parler de cette île, si loin dans le pacifique.
Encore une fois, le même argument répété auprès de son père pour pouvoir prendre l’avion et s’installer pour ce qui aurait dû être une durée provisoire. Mais, cette occasion fut bien différente. Déjà, Misho abandonna définitivement ses études au profit d’une activité plus simple mais qui le contentait beaucoup plus – et son employeur fut bien surpris en demandant après ses références – et aussi, parce que dès qu’il eut posé le pied sur le sol de cet endroit, une impression profonde et indicible s’empara de lui. Comme s’il n’avait déjà plus envie de partir.
Comme s’il allait mourir ici.
Il y avait des étoiles, dans le regard de cet enfant, il y avait une joie absurde, celle qui ne trouve point de source. Il ne savait même pas ce que c’était, un herbier, c’est sa grand-mère qui le lui a expliqué en glissant les pages entre ses mains rondes. Pour le garçon, c’était comme lui confier un trésor, un trésor dont il serait fier.
Il en aura passé du temps, Misho, à coller son nez à toutes les plantes qui lui attiraient l’œil, un bouquin de reconnaissance des fleurs dans une main, des buvards dans l’autre. Ses premiers croquis gribouillaient l’anatomie complexe des orchidées, des iris et bien d’autres, annotées de noms, dates et lieu de récolte. Il va sans dire que les nombreux parcs de Sofia, sa ville natale, furent prises d’assaut par sa fraiche lubie et, quand Misho ne pouvait récolter, il se contentait de dessiner l’objet de son désir du mieux qu’il pouvait.
Sa sœur le trouvait mignon, avec sa mine curieuse et ce sérieux avec lequel l’enfant répertoriait ses découvertes. Son père, en revanche, considérait qu’il s’agissait-là d’une passion passagère, comme en ont bien souvent les jeunes garçons. Ils veulent faire un sport, puis un autre, pour finalement se perdre dans quelque activité artistique. Mais, Misho n’était pas de ce genre-là. Quand l’intérêt le prenait, il se plongeait dans la source de celui-ci comme un appel à la noyade et le tout, avec une application ridiculement sincère pour quelqu’un de son âge. Jamais il n’a été garçon agité ou n’a montré le besoin de faire preuve de force en défiant l’autorité. On dira qu’il passait beaucoup de temps auprès de sa grand-mère puis, lorsque cette dernière ne fut plus de ce monde, sa sœur. Tout du moins, jusqu’à ce que celle-ci parte à l’université. Malgré leur différence d’âge relativement notable, ils n’ont pas connu le genre de désagrément qu’une fratrie peut connaitre en son sein. Les disputes n’avaient pas leur place chez eux et tous deux s’affectionnaient sincèrement.
Néanmoins – l’âge, toujours, comme témoin – Misho avait d’autres fréquentations, des jeunes camarades de classe aux enfants des amis, collègues, de son diplomate de père. Et, si le blond se trouvait être relativement apprécié, il ne montrait pas non plus une réelle intention que d’intégrer un groupe d’amis. Ah, c’est qu’il était gentil, un bon compagnon de jeu – quoiqu’un peu trop sage au gout de certains – et quelqu’un qui acceptait de rendre service mais, il était toujours, d’une façon ou d’une autre, ailleurs quelque part. Ses passions ne faisaient pas l’unanimité et quand il venait à les partager, Misho se heurtait régulièrement à un mur d’incompréhension ou de gentille moquerie. Parmi les enfants riches aux ambitions flamboyantes et gâtés par la vie, le jeune Varnaski inspirait au calme et à la contemplation pour seul projet notable, aussi simple que cela.
Ce n’était bien évidemment pas de l’avis du paternel, qui désirait le meilleur pour ses enfants. Ainsi, si Misho a poursuivi le solfège – plus comme souhait d’une mère défunte que par réelle passion – il se vit forcé d’arrêter au profit de ses études. C’est qu’on ne fait pas du droit et des sciences politiques en jouant du piano (même si certain s’en sortent très bien au pipeau à son humble avis) et le garçon s’appliqua à contenter la figure d’autorité en place au sein de leur famille. Il ne prenait pas ses classes avec légèreté mais, trouva le moyen de se libérer un peu de temps pour de nouvelles activités qui avaient capturé son cœur. Après leur lecture, Misho s’était vu intéressé par la possibilité d’assister à une pièce de théâtre et le moins que l’on puisse affirmer, c’est que ce fut un véritable coup de foudre. Shakespeare et Beckett, pour commencer, avant que son amour ne se déclare pour les représentations des pièces antiques de Grèce. Pendant ce temps, son trait de crayon s’était affirmé auprès des fleurs qu’il chérissait et était passé à l’aquarelle, comme toujours plus de moyen que de transposer sur papier la beauté qu’il n’arrivait à partager avec des mots.
Avec tout ceci, Misho se sentait de moins en moins à sa place au milieu des futurs juristes et politiciens tirés à quatre épingles quand ils n’organisaient pas de somptueuses soirées où l’argent et l’alcool s’écoulaient de manière indécente. Les costumes trois-pièce de marque sont beaux et les filles, charmantes, mais non, ce n’était pas ce que le jeune homme voulait. C’est un prétextant vouloir étendre ses capacités qu’il fit accepter à son père qu’il étudie à l’étranger, toujours les sciences politiques dans un premier temps. Il y a une année qu’il passa en Italie et qui fut révélatrice de ses réelles envies et ce, malgré un dépaysement certain et une peine à l’idée de ne pouvoir être proche de ceux qui lui sont chers. En particulier, sa sœur qui s’était retrouvée dans une situation déplaisante. Une histoire autour d’un amoureux transi qui ne voulait pas la laisser tranquille, une sale histoire, au final. Mais, jamais Misho ne s’était senti plus libéré qu’en cette année, jusqu’à ce qu’il entende parler de cette île, si loin dans le pacifique.
Encore une fois, le même argument répété auprès de son père pour pouvoir prendre l’avion et s’installer pour ce qui aurait dû être une durée provisoire. Mais, cette occasion fut bien différente. Déjà, Misho abandonna définitivement ses études au profit d’une activité plus simple mais qui le contentait beaucoup plus – et son employeur fut bien surpris en demandant après ses références – et aussi, parce que dès qu’il eut posé le pied sur le sol de cet endroit, une impression profonde et indicible s’empara de lui. Comme s’il n’avait déjà plus envie de partir.
Comme s’il allait mourir ici.