Je suis née en 1980 de parents modestes. Maman est institutrice et papa travaille à la ville comme jardinier. J’ai une sœur Mégane de 5 ans mon ainée, atteinte de bêta-thalassémie. Pour ceux qui ne connaissent pas, cela se caractérise par une anémie (manque de globules rouges et d'hémoglobine) et elle doit avoir régulièrement des transfusions de globules rouges. En fait j’ai été conçue pour la sauver.
Nous habitons une petite maison dans un petit village. Je ne peux pas dire que j’étais une petite fille sage et modèle bien au contraire. Je ne pensais qu’à relever des défis que je me donnais comme marcher sur le haut de la clôture et ne pas tomber, ce qui ne fut pas le cas au début et maman s’affolait souvent. Je marchais sur des verres pilés et bien sûr je m’ouvrais un dessous de mes pieds. Mais ce que j’aimais le plus était grimper aux cerisiers en été et me régaler des cerises fraîchement cueillies. Elles étaient tellement meilleures sur l’arbre.
Je n’étais pas non plus une élève très sage même si j’avais de bons résultats, je pensais plus à me battre dès lors qu’un autre ennuyait un de mes camarades. Cela me valut d’être plusieurs fois punie et bien sûr mes parents en étaient désolés. Mais je savais me faire pardonner et tout aller pour le mieux. En grandissant j’aidais beaucoup ma sœur mais je ne pouvais hélas la sauver au grand désespoir de mes parents. Nous la voyions s’affaiblir de jour en jour et un matin, les anges étaient venus la chercher. S’en suivi une période de douleur, de vide et de tristesse, je me sentais responsable de sa mort même si mes parents disaient que je n’étais en rien responsable, que c’était le destin. Je me réfugiais à corps perdu dans les études et un jour je leur annonçais que je désirais devenir médecin.
A contre cœur mes parents me laissèrent partir à 16 ans afin de commencer mes études. Contrairement à mes premières années, je devins très assidue et je me passionnais très vite pour mon futur métier. Apprentissage durant 7 ans aux urgences de Washington D.C, affrontant la violence tous les jours. A 24 ans tous mes diplômes en poche, je m’installais avec un ancien médecin, prête à affronter la maladie et les soucis de mes patients. Mais je déchantais vite. Les clients étaient tous pour lui et moi je me tournais les pouces. C’est alors qu’il fut complètement dépassé et envoya certains clients auprès de moi. Face à mes compétences et leurs satisfactions, je me retrouvais à 26 ans avec une petite clientèle qui ne cessait de croître. Tant et si bien que ma réputation n’était plus à faire et le bouche à oreille suffisait. J’appris à conduire non pas sans déboires vu que j’insultais toutes les personnes qui me gênaient dans mon apprentissage mais je finis par décrocher le fameux sésame. Je m’offrais une petite voiture afin de me déplacer aisément et surtout rendre visite à mes parents. Je passais mon permis maritime afin de piloter les bateaux de mes amis lorsqu’ils étaient trop saouls pour savoir les ramener. J’appris à faire du tir si bien pistolet que carabine et je m’inscris dans un club. Je croquais la vie à pleines dents et tout cela m’allait très bien.
Les relations dans tout cela ? J’avais fréquenté un jeune interne et notre couple allait plutôt bien, nous avions fait des projets et devions nous marier mais il avait bu, je lui avais interdit de prendre le volant. Une bonne gifle m’avait jetée au sol alors que je le regardais démarrer en trombe. Ce soir là, un arbre à rencontrer sa route et il a rejoint ma sœur au paradis. Encore un drame dont je me sentais responsable. Ensuite ? Eh bien disons que j’avais pas mal d’amis mais jamais rien de sérieux car mon métier débordait trop sur ma vie privée. Je n’avais pas de temps pour une relation de couple alors qu’autour de moi, mes amies se mariaient et j’étais toujours la demoiselle d’honneur. Je restais la seule célibataire et même si certains hommes me faisaient la cour, cela n’avait jamais abouti au mariage. Un jour je trouverais sûrement l’homme idéal. Mais le temps passait et les hommes ne s’occupaient même plus que j’existais sauf comme une super copine ou un flirt d’un soir. C’est ainsi que lors de mes 38 ans, une amie chirurgienne m’offrit de me prêter son yacht afin de prendre des vacances car elle m’estimait au bord d’un burnout. J’acceptais sans réelle conviction mais j’aimais être seule en mer et du coup ce fut un merveilleux cadeau.
Je préparais mes bagages, organisais mon remplacement et je pris le large. Fort heureusement c’était un petit yacht et je sus le manier à la perfection. Me voilà partie à l’aventure. Je m’arrêtais dans certains ports afin de ne pas me retrouver en mer à la nuit tombée et je visitais de belles villes dont certaines étaient enchanteresses. Les couchers de soleil sur le port étaient un délice et je m’endormais paisiblement enfermée dans la cabine. Au bout d’une semaine, j’arrivais dans un port qui au premier regard me conquit le cœur. Très peu de bateaux étaient ancrés et je m’installais tranquillement. Je fermais le bateau et je décidais de déambuler dans les rues. C’était une petite ville charmante et un je ne sais quoi me disait de rester.
A la nuit tombée, je retournais au port afin de m’installer pour la nuit. Je regardais le coucher de soleil comme tous les soirs et je me laissais aller à rêver de bonheur et de chance. Le ciel se voila et de superbes nuages aux teintes pastel se dessinèrent dans le ciel. Les oiseaux virevoltaient et je regardais leur magnifique ballet avant de m’assoupir sur le transat. Le froid m’éveilla au milieu de la nuit. Je rentrais m’allongeais et au petit matin, je filais à travers les rues. Au détour d’une ruelle, j’entrais dans un café. Les conversations fusaient et je ne sais pourquoi, je me hasardais à demander s’ils n’avaient pas besoin d’un médecin. On me dit alors qu’il serait le bienvenu et je n’osais dire que je parlais de moi.
Je me rendais à la Mairie pour demander un poste et je fus accueillie avec gentillesse. J’avais l’impression d’être au paradis, des accueils chaleureux, des gens sympathique et un je ne sais quoi de magique planait sur cette ville. Je me sentais bien et cela faisait des années que je ne m’étais sentie aussi bien. J’envoyais un message via internet à mon amie afin de lui donner tous pouvoir pour vendre mon cabinet ainsi que mon appartement en dédommagement de son yacht où j’avais élue domicile en attendant de me trouver un nid bien à moi. J’installais mon cabinet en ville et décidais de faire aussi des visites à domicile afin de mieux connaître la population.